Bien plus qu’un simple légume, le taro est aujourd’hui un des accompagnements incontournables des repas polynésiens. Amené d’Asie par les premiers navigateurs, il est resté l’un des aliments de base de l’ensemble du triangle polynésien. Découverte de ce légume hors du commun.
Des plats traditionnels jusqu’aux inspirations de la cuisine moderne, le taro demeure incontournable. Appelé «roi des racines» par l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson , il est certainement l’une des traditions agricoles polynésiennes les plus anciennes. Tubercule de la famille des Aracées, il présente une large racine d’une couleur allant du rouge au orange, et de longues tiges et feuilles d’un vert bleuté. Riche en amidon, mais pauvre en protéines, le taro s’apparente à la pomme de terre, bénéficiant d’une douceur et d’un parfum plus tropical. Les tiges et les feuilles ressemblent davantage aux épinards, et sont souvent surnommées « épinards tahitiens ». En langue reo maohi, le nom taro désigne à la fois la plante entière, racine tiges et feuilles mais il est aussi utilisé pour désigner la racine seule. Quand aux tiges, elles sont appelées fafa et les feuilles, pota. Une distinction utile puisque le taro est ce que l’on appelle une plante «versatile» : feuilles, tiges, tubercule, tout se mange ! Partis d’Asie vers 500 après Jésus-Christ, les premiers Polynésiens avaient emporté avec eux ce légume, mais aussi d’autres espèces botaniques, probablement dans le dessein de les cultiver sur leurs hypothétiques nouvelles terres. Ces grands navigateurs étaient aussi de véritables experts en botanique. Ainsi, outre le taro, le mape, mais aussi le uru, fruit de l’arbre à pain, ont prospéré en Polynésie et même au delà. A partir de l’actuelle Polynésie française, le taro s’est répandu dans l’ensemble du triangle polynésien, en particulier en Nouvelle Zélande, aux îles Samoa, aux îles Fidji mais aussi bien au-delà, en Nouvelle Guinée par exemple. En Nouvelle Calédonie, on l’appelle communément le « taro Hong-kong », dénomination rappelant son origine asiatique lointaine. Les recherches effectuées par les naturalistes d’antan mais aussi par les biologistes contemporains s’accordent sur un point essentiel : le taro s’est répandu dans l’ensemble du bassin océanien à partir de l’actuelle Polynésie française.
“Appelé «roi des racines» par l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson, il est certainement l’une des traditions agricoles polynésiennes les plus anciennes”
Déjà, en 1898, Percy Smith Stephenson, ethnologue, publiait un ouvrage, « The Peopling of the North, the Maori history », où il affirmait même que le taro était parti de l’île de Moorea pour arriver en Nouvelle-Zélande autour de 1300 après JC! Les très nombreuses tarodières, plantations de taro, mises à jour lors de fouilles archéologiques dans l’archipel des Australes et des Marquises prouvent la culture massive du tubercule depuis plusieurs centaines d’années. Dans les Tuamotu et dans les Gambier, malgré le climat sec et la pauvreté des sols composés quasi uniquement de soupe de corail, les anciens Polynésiens parvenaient à faire pousser le taro. Après avoir creusé de profondes et impressionnantes fosses, ils les remplissaient avec des terres provenant de la décomposition de végétaux ou enrichis par les déjections d’oiseaux. Au début du 20ème siècle, ces contraignantes méthodes furent progressivement abandonnées car il était plus simple d’importer le taro à partir de Tahiti. Aujourd’hui, nos îles polynésiennes abritent près de 29 espèces différentes de taro. La plus courante, de son nom latin, «colocasia esculenta», est plantée toute l’année dans la majorité des îles polynésiennes. On trouve également certaines variétés sauvages en pleine nature, notamment sur les pentes montagneuses des îles hautes. Toutes ces espèces portent un nom en langue Reo Maohi preuve de l’importance du taro dans la culture polynésienne. Ainsi, selon les espèces et les îles, on parle de tie’e, de aa’vare, de eteete, de auaa hiva… Le climat chaud et humide de la Polynésie a favorisé et favorise encore aujourd’hui son développement. C’est peut-être pour cette raison que cette plante à tubercule a depuis toujours constitué la base de l’alimentation des Polynésiens. Planté sur des terrains marécageux dans des fosses profondes de 30 centimètres, ou en culture sèche accompagnées d’un système d’irrigation, le taro prospère. Une fois planté, il se reproduit tout seul, grâce aux petites tiges nommées rejets qui poussent hors de la terre pour se replanter naturellement quelques dizaines de centimètres plus loin. A maturité, chaque racine mesure près de 20 centimètres de circonférence, et pèse jusqu’à cinq kilos !