La Polynésie française, contrairement aux apparences, n’est riche que de quelques espèces endémiques et indigènes porteuses de fruits. En revanche, on compte par centaines les variétés fruitières introduites d’abord par les découvreurs ma’ohi, puis par les vagues successives des Européens depuis le XVIIIe siècle. Dresser le portrait de ces fruits, c’est entreprendre un voyage dans le temps et dans la nature polynésienne.

Prononcer le nom de Tahiti, c’est aussitôt évoquer un Eden regorgeant de fruits tropicaux. Pourtant, si l’île abrite aujourd’hui de nombreuses variétés, il n’en a pas toujours été ainsi. Union de deux volcans “récents”, émergés il y a à peine plus d’un million d’années au cœur de la plus vaste étendue océanique de la planète, Tahiti Nui (la grande) et Tahiti Iti (la petite) accueillaient une végétation relativement pauvre en nombre d’espèces à l’arrivée des premiers navigateurs polynésiens, dans le courant du premier millénaire de notre ère. Au centre du Pacifique Sud, ces jeunes îles étaient en effet très éloignées des grandes masses continentales d’où ont pu venir graines et pollens, avant que l’Homme n’y mette le pied. Parmi elles, quasiment aucune variété comestible, à part quelques cocotiers, ainsi que l’indiquent des pollens fossiles retrouvés, datant de plus de 5 000 ans avant J.-C.. Le fara, le pandanus (dont la graine flottante est comestible quand elle est cuite) était également présent. On trouvait aussi le pourpier. L’espèce Portulaca lutea, une herbacée poussant sur les plages des îles et atolls du Pacifique (Tuamotu, Kiribati, Tuvalu), a été une source importante de vitamine C aussi bien pour les populations des atolls isolés que, plus tard, pour les navigateurs souffrant du scorbut.

Lors de leurs migrations sur leurs grandes pirogues doubles, les ma’ohi durent donc apporter avec eux les plantes indispensables à leur survie. Il s’agissait de variétés qu’ils avaient domestiquées durant leurs pérégrinations depuis l’Asie du Sud-Est, au cours des millénaires précédents : certains bananiers (la banane fe’i, notamment), l’arbre à pain (uru en tahitien), différentes variétés de cocotiers, la canne à sucre et le papayer, sans oublier les tubercules vivriers comme le taro. On peut citer aussi le châtaignier d’Océanie – mape (Inocarpus fagifer), le pomme-cythère – vi tahiti, ou encore la patate douce – ‘umara (Ipomoea batatas), introduite suite à leurs contacts avec les côtes andines. Sans oublier une plante aux multiples vertus, alimentaires et médicinales, le noni, ou nono (Morinda citrifolia).